Je sors de l’appartement en saluant mes colocataires. J’aime toujours faire un petit jogging pour me changer les idées ou, plutôt, pour les recycler. Transformer les pensées cycliques et contre-productives en quelque chose de frais et aéré, qui gagne en valeur d’avoir été retourné dans tous les sens. C’est comme ça que j’aime régler la plupart de mes problèmes : l’adrénaline semble favoriser la mise en évidence de nouvelles solutions. Puis, j’aime tout simplement me montrer actif et entretenir une bonne condition physique, malgré les limites que mon corps a tenté de m’imposer par le passé.

J’ai pris l’habitude de passer par le parc : d’une part parce que c’est plus agréable que de courir uniquement sur du béton, et d’un autre côté parce qu’on peut toujours y observer des situations intéressantes, ou rencontrer quelques gens sympas. Il y a peu de gens en ce jeudi : peut-être n’ai-je pas choisi une bonne plage horaire, ou alors c’est un simple hasard. Je fais quelques pas hors du sentier poussiéreux pour m’installer dans l’herbe, en haut d’un talus surplombant le lac.

Je fais une première série de pompes, avec une certaine nostalgie. J’ai beau reproduire la séquence que coach nous imposait avant chaque entraînement de crosse, ce n’est pas pareil. Seul et sans la camaraderie de mes coéquipiers, ils me manquent davantage et les exercices mes semblent moins agréables. Alors que je me relève pour effectuer quelques étirements, j’aperçois une jeune femme qui suit le sentier en contrebas. Je m’y reprends à deux fois lorsque je voie dépasser de ses cheveux ce qui ressemble étrangement à deux oreilles de chat. Et pas le genre en mousse que l’on retrouve en magasin. De vraies oreilles, à première vue. Peut-être vient-elle d’un monde où les lycanthropes existent également?

Je descend le talus à petits pas prudents en observant les faits et gestes. Le geste qu’elle fait en étudiant quelque chose sorti de sa poche n’échappe pas à mon regard. En même temps, elle ne s’est pas réellement cachée. Alors que je suis à quelques pas du banc où elle s’est installée, je remarque l’insistance déterminée avec laquelle elle observe la nappe aqueuse.

« Ce serait quand même dommage de devoir plonger pour le retrouver au fond de l’eau », lancé-je d’un ton enjoué, le souffle encore un peu court de mon activité physique.

Face au regard contrarié de la jeune femme, je me pare de mon plus sympathique sourire comme d’autres s’arment face à une situation qui promet d’être… difficile. L’attitude de la femme féline change légèrement et son bras se baisse à une hauteur qui promets un tir moins imminent. J’écarte les lèvres, amusé par son tac-au-tac, mais ne laisse échappé aucun rire. Un instant plus tard, mes réflexes de gardien me permettent de ne pas échappé l’item qui m’est balancé. Je ricane de la fierté de ne pas avoir perdu la main, malgré qu’aucune équipe de crosse ne semble exister en ce lieu étrange.

« Je ne suis pas un excellent nageur », commenté-je avec amusement pour conforter sa décision. Mon regard se porte sur le lac calme où un canard vient de se poser. J’insuffle à quelques reprises, profitant du paisible paysage avant de répondre à cette femme-chat dont je ferais mieux d’apprendre le nom.

« Je suis meilleur gardien, si tu changes d’idée. » J’observe le bidule en me demandant bien ce dont il s’agit et ce qu’il peut représenter pour elle. Je fais un geste pour le fourrer dans les poches de mon short, mais réalise rapidement que leur coupe ne permet qu’à des objets bien plus petits d’y être confortablement logés.

« En fait, je voulais surtout t’embêter parce que j’étais curieux de discuter un peu avec toi. Je m’appelle Danny, au fait. »

Je lui souris évidemment, d’un air aussi hospitalier qu’il est possible de l’être dans un lieu public. Je ne lui veux aucun tort, après tout. Simplement épancher ma curiosité et en comprendre un peu plus sur ce monde où nous nous sommes retrouvés, afin de pouvoir rentrer chez moi.