Il n’avait pas fallu longtemps à Kathleen pour s’habituer suffisamment à la ville pour en comprendre les rouages de base et survivre. Elle avait compris comment les personnes modernes faisaient leurs courses et avait même un compte bancaire. Pour son travail, elle disposait d’un téléphone et avait appris à l’utiliser. Elle était encore malhabile et il y avait beaucoup de choses qu’elle ne comprenait pas, mais elle faisait de son mieux pour s’adapter afin de pouvoir aider sa fille à le faire, car elle n’avait que deux ans. Mais elle ne savait pas encore tout de la façon dont les choses se passaient dans les relations entre les gens.

Elle avait rencontré Daniel Jackson alors qu’il devait mener un projet de fouille archéologique dans un coin de la ville. Il avait besoin des autorisations de la mairie, mais un tel chantier requérait des autorisations et des conditions que Kathleen avait apprises avant de négocier avec Daniel. Elle avait été surprise de constater que le jeune homme était extrêmement cultivé et doué en diplomatie. Échanger avec lui avait été particulièrement enrichissant, tant sur le plan personnel que professionnel et sa compagnie lui avait été agréable. Ils avaient même échangé dans plusieurs langues. Finalement, après lui avoir parlé de Feena, il avait manifesté le désir de la rencontrer.

Voilà pourquoi elle se retrouvait à attendre son compagnon de ce soir devant un restaurant italien du centre ville. Feena et elle s’étaient mises sur leur trente-et-un et si Kathleen était un peu nerveuse, Feena était complètement dans son élément. Sa nurse lui avait appris beaucoup de choses et à deux ans, on retient tellement plus facilement. Elle se sentait moins en décalage que sa mère. Quand le jeune homme arriva, elle lui sourit franchement tout en attendant que sa mère la présente, comme une petite princesse bien polie.

« Bonsoir, Daniel, je suis contente de vous voir. Merci pour votre invitation. Je vous présente ma fille, Feena. »

« Ze suis enssantée de faire votre connaissance, Monsieur Dzackson », déclama Feena avec une petite révérence.

Elle parlait étonnamment bien pour deux ans et sa révérence était parfaite. Feena avait déjà appris les bases du comportement d’une princesse avant son arrivée dans ce monde, même si elle était encore capable d’être particulièrement enfantine, surtout en privé avec sa maman.


Halloween

L'élégance dans ce monde n'avait absolument rien à voir avec celle de laquelle Kathleen était familière et les vêtements de Daniel lui étaient particulièrement inconnus, même si elle devait reconnaître qu'ils lui allaient fort bien. Connaissant sa propre déficience en termes d'expérience, elle avait d'ores et déjà décidé de ne s'étonner de rien et de se laisser guider. Elle savait au moins de quelle façon accueillir le bouquet de fleurs qui lui offrit en arrivant devant elle. Il y avait peu de risques de faire un faux pas en n’acceptant un cadeau. Et puis, elle devait reconnaître qu'elle trouvait ça touchant qu'il ne soit pas arrivé les mains vides.

« Je vous remercie. Elles sont magnifiques. Et merci pour votre invitation. »

Si elle était une parfaite petite demoiselle, Feena se montrera beaucoup plus volubile à la réception de son cadeau. Il fallait reconnaître qu'elle restait une petite fille et que le spectacle d'une peluche ne pouvait que lui faire plaisir. Ses yeux s'ouvrirent grand et un sourire éclaira aussitôt ses lèvres tandis qu'elle serrait le petit chat en peluche contre elle avec tout l'amour qu'une fillette de deux ans pouvait avoir pour un animal en plus. Le regard doux et bienveillant de Kathleen s'accompagna d'un sourire devant la scène.

« Merci beaucoup, Monsieur Dzackson ! Z'adore les petits sats. On a plein de sats au sâteau, pour pas avoir trop de souris. Il y en a une qui a eu des satons et maman a dit que je pourrais en avoir un. Il sera comme votre pelusse. »

« Je suis désolée », fit Kathleen avec douceur. « Elle peut être bavarde comme une pie parfois. Merci beaucoup pour elle. C'est un très joli cadeau. »

Elle lui sourit alors qu'il poursuivait en affirmant qu'il avait une table de réservée et qu'ils pouvaient entrer à l'intérieur. Il avait vraiment tout prévu et cela confirma à la jeune princesse qu'elle avait tout intérêt à lui faire confiance et à se laisser porter par la soirée. Elle n'était peut-être pas une experte de cette époque et de ses habitudes mais elle avait l'intuition que Daniel Jackson serait un bon guide pour l'aider à mieux comprendre ce monde et ses subtilités. Son sourire se renforça un peu et elle se laissa entraîner à l'intérieur du restaurant.

« Je vous suis, je vous fais entièrement confiance. Pour ma part, je dois avouer que je ne m'y connais que très peu dans ce genre de soirée. à part ça, je vais bien et vous-même ? »

Halloween

Si Kathleen ne connaissait pas toutes les coutumes de ce monde et qu'elle n'avait absolument pas la moindre idée que le genre de situation dans laquelle elle se trouvait en ce moment pouvait s'apparenter à un rituel de séduction dans le monde moderne, elle était vraiment touchée par les attentions de l'homme qu'il avait invité à dîner, et en particulier au fait qu'il ait inclus sa fille dans sa bienveillance. Feena n'avait jamais été une enfant compliquée et elle était étonnamment douce et gentille, malgré la perte encore assez récente de son défunt père. C'était vrai qu'il voyageait beaucoup et qu'elle ne l'avait que peu connue, mais chaque fois qu'ils s'étaient vus elle avait pourtant ressenti entre eux une certaine complicité.

Comme à son habitude, la fillette commença à raconter sa vie au jeune homme lorsqu’elle se vit offrir un cadeau. Feena était mignonne, bien élevée et malgré ses deux ans, étonnamment capable de se montrer aussi élégante et raffinée que la princesse qu’elle était. Mais elle avait quand-même tendance à être très bavarde et à avoir envie de partager sa vie avec le monde entier. À Versailles, elle avait pu être jugée comme une enfant qui ne savait pas rester à sa place, toute gracieuse et charmante qu’elle fut. Mais heureusement c'est cette grâce et ce charme qui leur faisait en général l’excuser. Ici, les règles n'étaient pas les mêmes et quand Daniel rassura Kathleen, elle lui offrit un sourire reconnaissant.

« Je vous remercie. Nous avons la langue bien pendue dans notre famille et j'ai toujours détesté brider la nature gentille et pleine de bonté de ma fille, même si une princesse de deux ans est censée rester sage et qu'on est censé ne pas l'entendre et ne pas la remarquer. En réalité, la plupart des enfants de deux ans ne participent pas aux fêtes et sont confiés à des nourrices, mais ce n'est pas la façon dont j'ai voulu élever ma fille. Ma mère a toujours été là pour moi, bien qu'elle ait été une reine puissante et occupée. J'ai toujours eu l'intention de faire le même cadeau à ma Feena. »

C’était une des choses qui était difficile dans cette vie actuelle parce que, contrairement au château de Versailles où la présence de l'enfant était toléré quelle que soit la situation, dans ce monde, c'était la consigne de confier l'enfant à quelqu'un pendant que l'on travaillait et il y avait peu d'exceptions, notamment dans un métier comme le fait de travailler à la mairie. Kathleen avait bien dû s'y faire et accepter que sa petite fille soit entre les mains d'une étrangère, mais elle tenait à passer un maximum de temps avec son enfant quand elle n'était pas obligée par un patron de la laisser à la maison. Visiblement, Daniel Jackson était un homme qui comprenait ce genre de décision.

De plus, il était entièrement dans la bienveillance malgré le décalage que Kathleen devait bien avouer avoir quant aux façons de faire de ce monde. Elle savait qu'elle n'était pas vraiment dans l'esprit des gens de cette époque mais lui non plus n'était pas complètement au fait de ce qui se faisait et ne se faisait pas. Malgré tout, il était évident que contrairement à elle, il devait comprendre à peu près ce que voulait dire chacun des noms de plat qui se trouvaient sur la carte. Elle avait une cuisinière qui était capable de lui préparer des plats plus modernes que ce qu'elle connaissait, mais c'était malgré tout un peu mystérieux pour elle.

« Je suis consciente que certaines technologies sont peut-être aussi difficiles à comprendre pour vous que pour moi, et je suis persuadée que vous savez exactement ce qu'est une pizza. Pour ma part, je n'en ai aucune idée. Très sincèrement, pour quelqu'un qui n'est pas habitué à la nourriture moderne, quel plat pensez-vous que j'ai le plus de chance d'apprécier ? Et Feena ? »

Une fois la question du menu résolu, ils se mirent à discuter en attendant que leurs plats arrivent. Le jeune archéologue semblait se demander quelles étaient les passions de Kathleen. Celle-ci y réfléchit un peu. Avec quelqu'un d'autre, elle aurait sans doute essayé de s'adapter à ce monde moderne, mais elle savait qu'elle pouvait être sincère avec celui qui l’avait invitée à déjeuner. La vérité, c'était que même si elle aimait faire beaucoup de choses, elle avait toujours eu une préférence pour son héritage qu'elle était d'ailleurs triste de ne pas pouvoir poursuivre. Elle aurait certainement pu apprendre à soigner dans ce monde moderne, mais elle n'avait plus accès aux secrets de famille de sa mère et celle-ci lui manquait beaucoup.

« J'ai toujours beaucoup aimé me consacrer à mon héritage en ce qui concerne le soin et le secours aux gens. Je continue à utiliser le peu que je sais déjà mais malheureusement, mon apprentissage en lui-même est en suspens puisque ma mère n'est pas ici. Ou du moins, je ne le pense pas. Sinon, j'aime beaucoup la lecture et j'ai trouvé, même ici, quelques ouvrages particulièrement passionnants. Je sais faire de la musique, peindre et danser, mais je dois avouer que cela fait longtemps que je n'ai pas pu m'exercer pour ce qui est de la musique et de la danse. Pour le dessin, ils ont inventé quelque chose de merveilleux ici, je ne sais pas si vous connaissez, ça s'appelle le crayon de bois. C'est formidablement pratique. Et en plus, ils vendent des carnets avec des pages vides que l'on peut remplir de dessins et de croquis. Et ils ne sont pas chers. »

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