C’était à mon tour de fermer la boutique aujourd’hui. J’en ressors avec une trompette, dont j’ai joué quelque vingt minutes pour m’échauffer, dans l’arrière-boutique. Elle se trouve désormais sagement dans son étui, avec une partition que j’ai imprimée durant ma pause. Ce n’est pas un vol : j’ai bien pris la peine de demander à ma gérante si c’était possible de l’utiliser pour la soirée. J’ai enfin pu acheter une embouchure avec ma dernière paie. Il faudra que je demande aux filles de m’avancer un peu d’argent pour l’épicerie. Au pis, je me débrouillerai autrement. L’idée de servir de tuteur ne me plaît pas particulièrement. Autant avec un pote comme c’était le cas de Jackson, c’est un plaisir, autant j’ai de mauvais souvenirs avec McCall et Stilinski. J’ai vu que le café entre la coloc et le boulot fait une soirée talent mensuelle. C’est ce soir. Si j’attendais la prochaine paie pour cette dépense, cela signifiait un mois avant la prochaine. L’attente serait intenable.

Je me dirige donc vers le café, un petit trémolo dans le coeur. Ces fameux papillons dans l’estomac. Je sais bien que l’instrument qu’on m’a permis d’emprunter n’est pas de la qualité de celui que mes parents m’avaient acheté, mais je m’en fiche. J’espère surtout que les mois d’abstinence musicale depuis mon arrivée ici ne paraîtront pas trop. La courte familiarisation que j’ai pu faire avec la trompette prêtée suffira peut-être. Sinon le pire qu’il puisse m’arriver serait de me prendre une tomate sur le pif. Ou qu’un diablotin ne vienne saccager l’ambiance.

Parlant d’ambiance, elle est feutrée lorsque j’entre dans le café. Les lumières tamisées et le décor marquent une certaine convivialité. L’air y est chaud et plutôt sec : avec mon t-shirt je suis plus que confortable. Mon regard fait un tour d’horizon à la recherche des organisateurs : il me faut m’inscrire si je veux me produire sur scène. Bredouille, je me tourne vers une jeune femme qui doit avoir environ mon âge. Le trait qui attire d’abord mon attention est sans contredit sa tignasse a priori indomptable. J’interroge donc celle que je présume être une employée :

« Excusez-moi, où est-ce que je pourrais m’inscrire à la soirée? »